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Page Les enfants de Georges et Olga d'Horrer

 La Révolution russe : Georges d'HORRER et Olga DELARUE


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GEORGES IOSSIFOVITCH, comte d'HORRER (1875-1917) est, comme on vient de le voir, le fils aîné de IOSSIF  Ph. d'Horrer et de Katia Passek. Il est né à Kharkov en 1875. Après le lycée, il passa deux ans au séminaire mais ne s'engagea pas plus avant et entra à la faculté de droit de l'Université de Kharkov. Il acheva ses études à l'âge de 27 ans.
Invalide depuis l'âge de 16 ans à la suite d'un pari stupide, il ne pouvait marcher sans canne ou sans béquilles. Il fut procureur adjoint à Stariy-Askol, près de Kharkov, pendant un an. (DOC 21 : Passeport de Georges Iossifovitch d'Horrer).


Olga delarue 2
Olga delarue 1
Il avait fait un mariage avantageux en épousant, le 11 juillet 1904 à l'église des Saints-Parents-de-Dieu de Kharkov, Olga DELARUE (1), née en 1892, d'une famille noble russe qui avait toujours gardé conscience de ses origines françaises (DOC 20 : Acte de naissance d'Olga Delarue). Fille de Danil Mikhaïlovitch Delarue, conseiller d'Etat, docteur en  mathématiques pures et professeur à l'Université Impériale de Kharkov, c'était une femme très cultivée, qui parlait six langues. Elle avait terminé ses études à l'Institut des Jeunes Filles Nobles avec le 1er prix, ce qui lui donnait le droit d'être dame d'honneur à la Cour du Tsar. Les deux frères Georges et Sergueï avaient l'intention de l'épouser, mais Sergueï s'effaça et partit à l'étranger continuer ses études.
 
Après son mariage, il s'installa en Lithuanie, dans le domaine de Lichtsiany, près de la ville de Rossieny, qu'il avait acheté aux enchères en s'endettant. Il y travailla deux ans comme avocat mais, pour payer ses dettes, il fut forcé de partir au Turkestan, où il fut jurisconsulte auprès des chemins de fer et devint un avocat réputé.

La famille d'Horrer n'était pas riche puisque son père, Iossif, avait joué et perdu aux cartes le domaine de Démiakovka en 1889, et que Lichtsiany fut perdu suite à l'avancée des troupes allemandes de la première guerre mondiale. Mais l'aisance financière revint en 1916-1917 : Georges d'Horrer reçut 150.000 roubles de la banque du Tsar et eut des actions dans des terrains pétrolifères où l'on retrouvera de grands gisements.

Georges d'Horrer était d'un parti progessiste social-bourgeois de la tendance de Kerenski, donc opposé aux bolchéviques et aux marxistes.  Les bolchéviques avaient peu de soutien au Turkestan, et l'ordre de mobilisation de la guerre de 14-18 provoqua plusieurs soulèvements, dirigés par le socialiste-révolutionnaire de droite Funtikoff, avec la présence d'Alexeï d'Horrer (frère de Georges), finalement rejoints par les chefs de tribu turkmènes.
 Après la révolte des Turkmènes à Tendjen et leur déroute, les émeutiers soulevés contre le Tsar  s'adressèrent à Georges d'Horrer en le priant de les sauver ; certes, il n'était pas facile à un avocat russe tsariste de plaider en faveur de gens qui s'insurgeaient contre "l'Ancien Régime". Il remporta pourtant ce procès et reçut pour cela des honoraires incroyablement élevés (20 000 roubles-or). De nombreux émeutiers furent libérés, d'autres virent leur peine adoucie.

Dans le chaos général qui a suivi Révolution de 1917, de nombreuse provinces proclamèrent leur indépendance et une foule de "gouvernements" autoproclamés apparurent  sur le territoire de la Russie : les Pays Baltes, l'Ukraine, par exemple, prirent leur indépendance. Dans le sud, une éphémère République Transcaspienne fut formée, sur les territoires actuels du Turkestan, du Turkménistan, du Kazakstan, du Kirghistan et de l'Ouzbékistan. Et on alla demander à Georges  d'Horrer d'en être un des principaux plénipotentiaires, l'assistant du Commissaire Général de ce gouvernement (1) en reconnaissance de la part de la population. Il accepta ce poste, quitte à passer de ses très gros revenus d'avocat considéré, à un léger émolument. A Aschkâbâd comme ailleurs, on liquida  les organes directeurs russes soviétiques pour former un gouvernement provisoire social-bourgeois.
Mais la Révolution d'Octobre 1917 transforma ce parti en un parti résolument contre-révolutionnaire et antibolchévique, et la révolte s'étendit à toute la région trans-caspienne. 
Cette révolte fut rapidement vaincue par les Rouges et Georges d'Horrer  fut démis pour "activités anti-populaires"  et arrêté le 1er novembre 1917, pour avoir pris une part active au soulèvement contre-révolutionnaire du 28 octobre 1917.

 Cet épisode vu par un bolchévique sera rapporté par la propagande soviétique en 1935 (DOC-22 : Un récit révolutionnaire naïf sur Georges d'Horrer) (NB : la présentation de d'Horrer comme d'un "Allemand" tient au fait que, pour ces hommes peu ou pas cultivés, toute personne vêtue à l'occidentale était allemande, la nationalité européenne la plus représentée dans ces régions... or les Allemands étaient les ennemis pendant cette guerre).
Son procès, début décembre 1917 :
Le journal "Les Nouvelles du Turkestan" du 5/9 décembre 1917 relate en détail son procès (Doc 27 Lire l'article intégral relatant le procès de Georges d'Horrer). En voici le verdict : 
°°A la question : "Dorrer est-il coupable d'avoir contribué par ses actes à ce que l'on tire sur les soldats révolutionnaires dans la forteresse ?", les jurés ont répondu : "non coupable."
°°A la question : "A-t-il contribué au désarmement des 1er et 2e Régiments sibériens (dont l'un était blanc et l'autre rouge), sachant que cela a pu provoquer le carnage ?" Ils ont répondu : "coupable, mais mérite l'indulgence."
°°A la question : "Est-il coupable d'avoir contribué à l'armement de groupes de citoyens contre-révolutionnaires de la population de Tachkent ?", les jurés ont répondu : "coupable."
Le procureur Toboline avait requis 20 ans de réclusion, mais il fut condamné à 3 ans et 4 mois de prison.

 

Les circonstances de sa mort (récit d'époque), mi-décembre
"Le 13 décembre, Tachkent a accueilli une grande manifestation des habitants autochtones du Turkestan, organisée par des forces politiques modérées en soutien à l'autonomie du Turkestan. Une réunion a eu lieu avec la participation de représentants de la population autochtone (ils représentaient les deux tiers du nombre total de représentants) et de Russes (ils constituaient un tiers). ... Cette procession grandiose avec la participation de plusieurs milliers de personnes s'est formée dans la partie ancienne de la ville. Les manifestants, passant une nouvelle partie de la ville et approchant la prison de Tachkent, ont exigé la libération des prisonniers politiques.
Ainsi délivré, le comte d'Horrer est monté dans la voiture et a soutenu les manifestants. [...] Mais lorsque le cortège est retourné à la vieille ville, il s'est trouvé face à face avec des bolcheviques armés. Des rafales de mitrailleuses ont provoqué la panique dans les rangs des manifestants. La voiture du comte était encerclée, et le comte lui-même, avec le général Kielechko, le gouverneur de Samarkand, l'avocat Drujkine, frère du commissaire transcaspien, le colonel Beck et le capitaine Rusanov ont été emmenés à la forteresse. Tous ont été tués de la manière la plus cruelle : leurs cris pouvaient être entendus de la forteresse du début de la soirée jusqu'à deux heures du matin. Les bolcheviques Toboline, Perfilyeff, Kolesoff, Stasikoff ont mené la torture."

Mais les Turkmènes, fidèles, aidèrent ensuite sa femme, Olga, à fuir Ashkâbâd où elle était menacée, et la cachèrent avec ses enfants. Pendant 7 années de famine, ils assurèrent leur subsistance au péril de leur vie, en se prétendant débiteurs de Georges d'Horrer et sans jamais dire leur nom.

En 1924 de nouvelles persécutions eurent lieu, et toute la famille ainsi que celle d'Alexeï, cachée dans un wagon à bestiaux, partit dans la région d'origine des d'Horrer,  dans une ferme près de Kharkov, en Ukraine, où elle habitera avec la soeur aînée d'Olga (Delarue)-d'Horrer et sa famille, les Bitch-Lubensky.
En 1927, ils furent privés de leurs droits civiques en tant qu'aristocrates.

Exil

Et en 1928, ils furent tous forcés par le régime stalinien à s'exiler dans les montagnes de l'Altaï, à la frontière chinoise, où ils habitèrent un village près de Lévinskoié jusqu'en 1931-32, devenus fermiers, à l'opposé de leur vie d'avant la Révolution.... Olga d'Horrer s'éteindra le 1er mai 1979.


 

Georges et Olga d'Horrer ont eu quatre enfants : Katia (1905-1980), Evguenia (1907-1945), Alexeï (1909-1987) et Tatiana (1913-1985), qui suivent.


NOTES

1/ A cette époque, il n'y avait plus de gouvernement central crédible en Russie et, dans la confusion, des gouvernements locaux provisoires se formèrent, tantôt liés au pouvoir central socialiste de Kerenski, tantôt dépendant des forces armées anglaise et turque anti-révolutionnaires. Leurs chefs étaient appelés Commissaires. Ainsi, la zone du Turkestan comprenait deux gouvernements locaux opposés, celui de la région de Zakaspi, la capitale, qui représentait le pouvoir central et où Georges d'Horrer sera assistant du Commissaire Général en 1917, et celui créé par Funtikoff qui était lié aux Anglais, où son frère Alexeï sera ministre de la Justice à partir de juillet 1918.

2/ Delarue:  La famille Delarue, famille noble originaire de Livonie, est inscrite dans la 3e partie de la noblesse de Kazan en 1806. Le grand-père d'Olga, Mikhaïl Danilovitch Delarue, fut conseiller d'Etat, et un poète reconnu, proche de Pouchkine, traducteur de Victor Hugo et de Schiller en russe. C'est son domaine de Démiakovka, près de Kharkov, qui passa ensuite dans la famille d'Horrer.  Le frère d'Olga, nommé aussi Mikhaïl Danilovitch Delarue, fut député de Kharkov à la Douma d'Etat , à la même époque que Wladimir d'Horrer l'était de Koursk, qui n'est pas très éloigné.
(Pour lire ces liens en français, il suffit de faire un clic droit : traduire en français)

 

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